Revenu sur le devant de la scène grâce à la série Netflix, The Witcher 3: Wild Hunt a vu ses ventes grimper en flèches et de nombreux joueurs se replonger dans son univers. Inspirées du livre d’Andrzej Sapkowski, les deux œuvres ont dû respecter les intentions de l’auteur pour ne pas décevoir les fans. Dans cet article nous allons nous attarder sur un point en particulier : le rapport qu’entretient Géralt de Riv avec l’argent. Voyons comment l’équipe de CD Projekt Red a tenté d’être fidèle à cet élément en développant le système économique du jeu.
Avant d’aller plus loin, il convient de définir ce qu’est l’économie dans un jeu. Ce n’est pas uniquement l’argent, c’est tout ce qui peut permettre au joueur d’atteindre ce qu’il souhaite. Cela comprend alors tous types de récompenses. Par exemple, pour devenir plus fort il aura besoin d’expérience afin de monter en niveau et débloquer des nouvelles compétences. L’expérience mais aussi les niveaux font donc partie de l’économie.
Dans tous les jeux ayant un système économique se crée un cycle de dépense. Le joueur effectue une action, obtient un élément, s’en sert pour accéder à ce qu’il souhaite puis recommence, et ce, durant toute l’aventure. Ce cycle, pour rester viable, se doit d’avoir chaque maillon équilibré. Si la récompense est trop faible pour le joueur ou s’il n’a plus l’envie d’accéder à de nouveaux éléments, il sera moins enclin à effectuer l’action de départ. Dans l’autre sens, s’il n’a plus rien à faire il ne pourra pas accéder à ce qu’il souhaite. La première difficulté dans la conception d’un système économique est donc la mise en place de récompense qui gardent de la valeur tout au long de l’aventure, d’actions intéressantes et d’éléments créant un attrait pour que les joueurs souhaitent les obtenir.
Lors du développement de The Witcher, les équipes ont souhaité que l’économie lie les principales mécaniques du jeu ensemble. Pour cette raison nous n’allons pas parler uniquement d’argent dans cet article mais aussi d’usure, de loot, de niveau et de craft.
Des revenus limités
Dans de nombreux RPG modernes les joueurs deviennent, pendant leur aventure, très riches. Ils s’achètent des maisons et le prix des équipements les plus puissants est cent fois plus élevés que ceux de base. Cela peut avoir du sens dans des univers où le joueur incarne l’élu qui vient sauver le monde ou un dirigeant important. Cependant dans The Witcher, Géralt De Riv n’est qu’un sorceleur comme les autres. Même s’il fait partie des derniers en activité, il ne peut prétendre au luxe inconditionnel. La série Netflix est fidèle sur ce point et le montre notamment avec la fameuse balade de Jasquier : Toss a coin to your Witcher. Le premier objectif des développeurs étaient donc de limiter les gains du joueur.
Les principales sources de revenus pour un sorceleur sont les contrats de monstres. Il est contacté, le plus souvent par de simples villageois pour aller tuer une bête qui terrorise le village ou qui gêne un commerce. N’étant pas très riches voir parfois pauvres, les villageois ne peuvent promettre au sorceleur de grosse somme d’argent quel que soit le niveau du monstre à abattre. De cette façon, l’activité principale de Géralt va générer des revenus limités. Et la faible évolution des récompenses des contrats durant l’aventure, permet aux quêtes de début du jeu de garder de l’intérêt pour le joueur.
Il semble tout de même simple de s’enrichir en enchaînant les contrats. C’est ici qu’entre un jeu l’usure des armes et armures. Ce n’est pas une mécanique particulièrement innovante, mais elle a disparu des grosses productions depuis une dizaine d’années, la seule exception semblant être Zelda: Breath Of The Wild. A la façon des RPG d’antan, dans The Witcher 3 chaque coup porté à un ennemi va abimer l’arme utilisée et chaque coup reçu en fera de même pour l’armure. Plus l’objet a servi, plus il perd en efficacité. Les forgerons et armuriers deviennent alors très utiles, contre un prix parfois conséquent ils répareront l’équipement. Face aux marchands le joueur doit alors choisir entre acheter un nouvel équipement peut-être meilleur mais cher ou réparer ce qu’il a déjà tout en risquant de bientôt ne plus en avoir besoin. Quoi qu’il fasse, il sera tout de même régulièrement contraint de dépenser son pécule.
Un loot omniprésent…
The Witcher 3 suit les sentiers battus par ses prédécesseurs en donnant une grande importance au loot. Le loot correspond à tout ce que le joueur peut récupérer après avoir vaincu un ennemi mais aussi ce qui est disséminé dans la nature ou dans des conteneurs. Il a la possibilité de ramasser une très grande variété d’objets allant des griffes des monstres jusqu’aux bottes des bandits en passant par des couverts en argents.
Le loot d’après combat pose un problème d’un point de vue économique. Si le joueur ramasse tout l’équipement de tous ses ennemis il pourra rapidement être très riche en les revendant. C’est à ce moment que le poids des objets et la limite de l’inventaire entre en jeu. Les objets de valeurs comme les épées et les plastrons pèsent lourd. Il est donc impossible d’en porter plus de quelques exemplaires sur soi, sous peine de devenir très lent. De cette façon, une bonne partie des joueurs n’aura pas le courage de remplir son inventaire après chaque combat pour aller le vider immédiatement chez un marchand. Ils sont de cette façon incités à faire des choix, à privilégier l’équipement intéressant.
Pour rendre l’expérience du joueur plus agréable, le loot s’adapte à son niveau. Dans The Witcher 3, les équipements nécessitent un niveau minimum pour être portés. En conséquence, ce que lâchent les ennemis communs du jeu est le plus souvent égale ou inférieur au niveau de Géralt. Les objets possèdent aussi un niveau de rareté (commun, rare, relique). Les reliques sont des objets le plus souvent uniques liés à des quêtes ou événements précis. Les objets rares peuvent quant à eux apparaître sur les ennemis. Ils ont une plus grande valeur marchande que les objets communs et leur quantité est limitée pour chaque niveau. De cette façon, le jeu limite la vitesse d’enrichissement de ceux qui farm. Ils auront beau tuer des centaines de bandits et bêtes dans la forêt, rapidement ils ne tomberont plus que sur des objets sans valeur marchande. D’autant plus que seul la réalisation de quêtes permet d’obtenir de l’expérience. Cette adaptation du loot fait rentrer le niveau du joueur dans la balance économique.
D’une façon similaire au loot, l’inventaire des marchands s’adapte pour vendre principalement des objets que l’on peut porter. Cela évite que les joueurs prévoient des achats trop à l’avance et fassent des économies et cela les encourage aussi à retourner voir des marchands régulièrement pour découvrir ce qu’ils ont de nouveaux à vendre.
…associés à un craft important
Parmi les multiples objets obtenable via le loot dans The Witcher 3 figurent des matières premières comme le fer ou le cuir. Pas question ici de prendre une pioche pour aller miner ou de couper du bois, la plupart de ces denrées se trouvent dans des coffres, des armoires ou autre conteneurs. Une partie d’entre elles sont aussi accessibles via la cueillette ou la chasse. En combinant des ressources le joueur peut fabriquer des potions et, s’il est face au bon artisan et possède le schéma correspondant, des équipements.
Pour encourager l’utilisation de cette mécanique de jeu, les ressources ne pèsent le plus souvent rien, permettant au joueur d’en transporter énormément. ll a aussi la possibilité d’en obtenir en démontant des objets. Cela peut s’avérer très pratique lorsqu’il recherche des éléments précis ou rares pour améliorer son équipement. Grâce à cela, même ce qui n’a aucune utilité évidente, comme une épée cassée, à une valeur minimum assurée par ses composants.
Théoriquement il suffirait de récolter et désassembler en masse pour ensuite construire des objets que l’on revend. Mais toute construction à un coût, un artisan ne va pas vous donner de son temps gratuitement. Cette façon de s’enrichir n’est donc pas viable. Il est alors préférable pour le joueur d’uniquement construire ce dont il a besoin.
Des prix adaptatifs
Un système d’artisanat combiné à la possibilité de démonter des objets est la porte ouverte à des failles qui permettraient aux joueurs de s’enrichir indéfiniment. Pour éviter toute erreur dans le choix du prix d’un objet, CD Projekt Red a développé un système de prix dynamique.
Le prix d’un objet est calculer en suivant plusieurs critères. Pour commencer, la base est définie par les matériaux qui composent l’objet. Ensuite, s’ajoute pour les équipements la durabilité, les éventuelles propriétés magiques et la force (dommage ou protection). La région actuelle du marchand influe aussi le prix. Dans les zones en guerre la viande est très cher mais les épées plus accessibles et inversement pour les régions en paix. Une réduction peut aussi parfois s’appliquer dû à un service rendu au marchand ou à la réalisation d’une quête.
Enfin, pour encore drainer l’argent de Géralt, un modificateur s’applique en plus sur les prix en fonction de sa richesse. Cette modification garde une limite pour éviter qu’un objet de base ait une valeur insensée. Mais, elle reste suffisante pour lui vider plus rapidement les poches s’il elles sont trop pleines ou au contraire s’assurer qu’il lui reste toujours assez pour acheter des objets de bases.
Par ces moyens chaque transaction est unique et les prix s’incluent dans la diégèse du jeu. Ils font sens et leur fluctuation offre de la vie au système économique.
Conclusion
La création du système économique de The Witcher 3 est arrivée très tard dans le développement du jeu. Les développeurs ont dû trouver des moyens efficaces pour faire vite tout en créant un système crédible et agréable pour les joueurs. La mise en place des prix dynamiques leur a permis de gagner un temps précieux et de rééquilibrer facilement la valeur de chaque objet. La contrainte de garder la fortune de Géralt relativement faible durant toute l’aventure les a poussé à trouver des moyens pour forcer le joueur à dépenser son argent et à moins en gagner. La plupart des mécaniques qui en découlent ne sont pas nouvelles. Mais leur fonctionnement en commun, leur influences les unes sur les autres rendent le système unique. L’équipe de CD Projekt Red a réussi à mettre en place une économie crédible et qui respecte un aspect important de la personnalité de Géralt De Riv.
Cependant, les moyens mis en place ne sont pas suffisants pour tous les joueurs. Ceux qui prennent le temps d’effectuer tous les contrats du jeu et ramasser tous les objets finiront inévitablement par devenir très riches. Avant d’en tirer des conclusions hâtives sur une économie peut-être bancale, il convient de se demander si équilibrer l’économie d’un jeu solo pour toutes les catégories de joueur est vraiment possible.
Merci d’avoir lu cet article. J’espère qu’il vous a plu. Si c’est le cas n’hésitez pas à le commenter et à le partager.
Source principale : Inside The Witcher 3’s Crafting-Based Economy